La rainette faux-grillon du Nord : une bataille juridique et environnementale pour la conservation des espèces menacées

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Rainette Faux-Grillon : Un combat juridique et environnemental pour la conservation des espèces menacées

Le Fonds d’héritage pour l’environnement est un organisme de bienfaisance qui fournit un soutien juridique aux citoyens et aux groupes engagés dans la protection de l’environnement. Ce fonds joue un rôle clé en veillant à ce que les lois environnementales du Québec et du Canada soient respectées et appliquées, un enjeu fondamental pour la préservation des derniers milieux naturels en cette période de crise climatique et de perte de biodiversité.

Le Fonds d’héritage s’impose ainsi comme un acteur incontournable parmi les organismes œuvrant pour la protection de l’environnement. En assurant un soutien concret aux initiatives citoyennes et en mettant en lumière les enjeux liés à l’application des lois, il contribue activement à la défense des écosystèmes fragiles et à la lutte contre leur destruction.

Présentation de Tommy Montpetit et de son engagement

Depuis plus de vingt ans, Tommy Montpetit se consacre à la préservation des écosystèmes et à la protection de la Rainette Faux-Grillon, un amphibien devenu le symbole des défis liés à la conservation et à l’application des lois environnementales. Directeur de la conservation chez Ciel et Terre, il œuvre activement à la mise en place de plans de conservation visant à préserver cette espèce dont l’habitat est constamment menacé par l’urbanisation.

Son engagement lui a valu plusieurs distinctions, dont la Salamandre d’Argent remise par la Société d’herpétologie du Canada. Son parcours, souvent mis en lumière dans les médias, illustre les lacunes et les défis de l’application des lois environnementales au Québec et au Canada. Trop souvent, ces lois, bien que existantes sur papier, peinent à être mises en œuvre efficacement face aux pressions économiques et au développement urbain.

« Je suis chez Ciel et Terre depuis 2004, donc ça fait 21 ans maintenant que je travaille spécifiquement sur la protection de la Rainette Faux-Grillon et des milieux naturels », dit-il. Son activisme a commencé dès 1996, en réalisant des inventaires et en menant des représentations auprès des municipalités afin de protéger les habitats naturels.

Depuis 2004, il est également membre de l’équipe de rétablissement de la Rainette Faux-Grillon, un organisme gouvernemental réunissant scientifiques et experts autour des espèces menacées. Son travail comprend la participation à diverses études et protocoles, l’élaboration de plans de conservation, ainsi que la création et la restauration d’habitats propices à la survie de l’espèce.

Dans ce webinaire, on détaille les principaux aspects de son engagement, notamment la localisation géographique et la connaissance de la Rainette Faux-Grillon en Montérégie, ainsi que les statuts légaux provinciaux et fédéraux qui ont été mobilisés pour sa protection, en particulier dans le cadre du cas de La Prairie.

Les défis de la conservation de la Rainette Faux-Grillon

La Rainette Faux-Grillon est un petit amphibien mesurant entre 3 et 3,5 cm de long, identifiable grâce à ses trois bandes longitudinales distinctes sur le dos. Son chant, reconnaissable, rappelle le bruit d’un doigt frottant sur un peigne noir.

En période de reproduction, la Rainette Faux-Grillon doublant presque son volume lorsqu’elle chante avec son sac vocal jaune gonflé. Cet amphibien, bien que minuscule, est un élément crucial des écosystèmes humides du Québec.

En ce qui concerne sa distribution, la Rainette Faux-Grillon est présente à travers l’Amérique du Nord, mais la population du Québec est unique. Les tests génétiques en cours devraient confirmer que les populations de Montérégie et de l’Outaouais sont distinctes des autres, ce qui en ferait une espèce isolée.

Historiquement, la Rainette Faux-Grillon était répandue dans tout le sud du Québec, comme en témoigne une carte datant de 1952, indiquant sa présence de Montréal jusqu’à Sherbrooke. Aujourd’hui, la situation a changé. En Montérégie, sur les dix populations identifiées en 2004, il n’en reste plus que quatre : celles de Beauharnois, Boucherville, Longueuil et La Prairie. « En Montérégie, sur les dix populations identifiées en 2004, il n’en reste que quatre. On parle d’une disparition de 95 à 97 % de son habitat en seulement vingt ans », dit-il.

La Rainette Faux-Grillon est désignée comme espèce menacée au Canada depuis 2010 et au Québec depuis quelques années. Cependant, malgré ces statuts, sa protection demeure insuffisante. La perte continue de son habitat laisse craindre une éventuelle disparition totale de l’espèce dans un avenir rapproché, à moins que des actions concrètes ne soient mises en place pour enrayer son déclin.

Le cas de La Prairie : un combat juridique et environnemental

Ce dossier a impliqué plusieurs organismes et s’est conclu par un jugement historique confirmant l’importance de l’application des lois environnementales.

À l’origine, une entente avait été conclue entre le gouvernement du Québec, le ministère de l’Environnement et la Ville de La Prairie afin de préserver une partie de l’habitat essentiel de la Rainette Faux-Grillon.

« On s’est rendu compte que les mesures proposées ne permettraient pas la survie de la population de La Prairie. On a donc demandé une révision complète de l’entente », explique Tommy Montpetit.

L’évolution du territoire de La Prairie entre 1988 et 2015 témoigne d’une destruction progressive de l’habitat de la Rainette Faux-Grillon. Autrefois un vaste secteur marécageux et tourbeux abritait une grande biodiversité, ce territoire a été progressivement détruit par le développement urbain. En 2003, une large portion de ces milieux humides avait déjà disparu. En 2008, il ne restait plus que quelques hectares, et en 2015, seule une infime parcelle entourée de développement subsistait.

Face à cette situation alarmante, des groupes comme la Vigile Verte et d’autres associations ont présenté leurs résultats aux autorités, notamment à M. Mulcair, afin d’obtenir une meilleure protection de cet habitat. Cette mobilisation a conduit à un décret d’urgence fédéral visant à protéger ce qui restait de l’habitat de la Rainette Faux-Grillon, marquant une avancée majeure dans l’application des lois environnementales au Canada.

Les lois environnementales : entre protection et application

À l’époque des premières batailles pour la Rainette Faux-Grillon, une multitude d’infractions ont été constatées dans le secteur de La Prairie, notamment la destruction d’habitats et de milieux humides.

Face à ces violations, les militants ont utilisé l’article 22 de la Loi sur la qualité de l’environnement, qui stipule que « nul ne peut modifier un milieu naturel sans autorisation ». Malgré cette mesure, les travaux de développement ont continué. « On voyait les rues tracées et des chênes bicentenaires arrachés », déplore Tommy Montpetit.

Un autre problème majeur concernait les rejets d’eaux usées dans les ruisseaux et la rivière Saint-Jacques. « On trouvait des déchets sanitaires directement dans les habitats de la Rainette Faux-Grillon, c’était un véritable égout à ciel ouvert », explique-t-il. En réponse, les défenseurs de l’environnement ont invoqué l’article 32 sur la gestion des égouts et aqueducs, ainsi que la Loi sur les pêches du gouvernement canadien, qui interdit toute activité causant un « dommage sérieux aux habitats aquatiques ».

Grâce à ces recours, des infractions ont été signalées aux autorités fédérales, entraînant l’émission de constats d’infraction et l’arrêt temporaire des travaux en 2007. En 2008, un plan de conservation a été publié en collaboration avec l’équipe de rétablissement de la Rainette Faux-Grillon. Toutefois, Tommy Montpetit rappelle que « malgré ces victoires, 70 % de l’habitat de l’espèce a été détruit ».

En 2010, un deuxième avis scientifique a mis en évidence que les pertes d’habitat dépassaient le seuil critique de 50 %, compromettant sérieusement les chances de survie de l’espèce. « À ce rythme, la Rainette Faux-Grillon risque de disparaître complètement si des mesures concrètes ne sont pas mises en place », avertit Tommy Montpetit.

L’impact du développement urbain sur les milieux naturels

Tommy Montpetit explique que « les ententes négociées de conservation avec les autorités municipales et les promoteurs se traduiront par le prix de deux tiers des habitats de reproduction ». Ainsi, le gouvernement, la ville et les promoteurs immobiliers étaient prêts à sacrifier 66 % de l’habitat de la Rainette Faux-Grillon, une espèce pourtant reconnue comme menacée au Canada.

En 2010, la Rainette Faux-Grillon a officiellement obtenu son statut d’espèce menacée au sein de l’annexe 1 de la Loi sur les espèces en péril du gouvernement du Canada. Montpetit commente avec ironie : « C’était officiel, elle avait son statut, son trophée. »

Malgré cette reconnaissance, les menaces sur l’espèce ont persisté. En 2014, un avis final a été émis par l’équipe de rétablissement des scientifiques. Tommy Montpetit souligne l’importance de ce document : « Ce paragraphe-là était vraiment extrêmement important. Ce que ça venait de dire, c’est qu’on avait les lois au Québec et au Canada pour protéger l’espèce, mais que le gouvernement ne voulait pas s’en servir. »

Les scientifiques avaient identifié les problèmes et proposé des solutions adaptées, mais les pertes d’habitats continuaient de croître, réduisant considérablement les chances de rétablissement de l’espèce. Malgré cette situation alarmante, en 2014, des demandes de certificats d’autorisation pour de nouveaux développements ont été déposées. L’équipe de rétablissement a alors averti que « si la tendance se maintient, les certificats qui ont été délivrés en 2014 vont à l’encontre du rétablissement de l’espèce. »

Malgré ces alertes répétées, les autorisations de destruction des habitats de la Rainette Faux-Grillon ont été délivrées. Tommy Montpetit déplore : « Malgré l’avis de tous les scientifiques du Québec et même du Canada qui sont réunis autour de la table de l’équipe de rétablissement, le gouvernement a quand même donné des autorisations pour détruire l’habitat de la Rainette Faux-Grillon, l’habitat terrestre, l’habitat des milieux humides de la Rainette Faux-Grillon. »

Cette situation illustre les contradictions entre la reconnaissance officielle des espèces menacées et l’application effective des lois de protection de l’environnement. Tommy Montpetit insiste sur la nécessité d’un engagement réel pour stopper la disparition de ces milieux naturels.

Les démarches judiciaires et le décret d’urgence fédéral

La demande de décret d’urgence

En 2014, plusieurs organismes, dont le Centre québécois du droit de l’environnement et Nature Québec, ont demandé l’adoption d’un décret d’urgence afin de protéger la Rainette Faux-Grillon à La Prairie. Tommy Montpetit explique : « C’était la première fois que cette loi-là, qu’un décret d’urgence, était appliqué en terre privée. »

Face aux délais administratifs et aux réponses insuffisantes des autorités gouvernementales, des plaintes ont été déposées pour faire respecter les lois environnementales en place. « Sur la loi, on ne pourra pas dire qu’on n’a pas utilisé toutes les lois », affirme Tommy Montpetit, mentionnant notamment la Loi sur la conservation des oiseaux migrateurs. Cette loi a permis de stopper temporairement les travaux lorsque des entreprises ont commencé à détruire des nids d’oiseaux en dehors des périodes autorisées.

Le non-respect des lois et les sanctions imposées

Malgré ces efforts, certains promoteurs ont poursuivi les travaux illégalement, ce qui a nécessité l’intervention d’agents fédéraux. Tommy Montpetit décrit la situation : « Cette loi-là est vraiment super intéressante […] si une pépine fait du bruit à côté d’un nid, c’est un dérangement. » Plusieurs amendes ont été infligées, allant jusqu’à 40 000 dollars entre 2014 et 2018.

En 2015, la situation était devenue critique. « Les habitats de Rainette Faux-Grillon étaient détruits, drainés, modifiés, les rues commençaient à pousser », raconte Tommy Montpetit. Devant l’inaction du ministre fédéral de l’Environnement de l’époque, une demande de décret d’urgence a été portée devant les tribunaux. Cependant, le gouvernement fédéral a d’abord refusé de l’adopter, ce qui a permis aux promoteurs de poursuivre leurs travaux.

L’adoption du décret d’urgence en 2016

Finalement, la ministre de l’Environnement Catherine McKenna a adopté le décret d’urgence en date du 15 juillet 2016. Tommy Montpetit insiste sur l’importance de cette décision : « C’était la première fois que c’était fait en terres privées, c’est vraiment super important juridiquement. »

Le décret impose des interdictions strictes pour protéger l’habitat de la Rainette Faux-Grillon. « On ne peut même pas tondre le gazon, retirer la terre, installer des barrières ou vider une piscine », explique Tommy Montpetit. Des patrouilles fédérales surveillent régulièrement la zone et appliquent des sanctions sévères en cas d’infraction, avec des amendes allant jusqu’à 60 000 dollars.

Une victoire judiciaire historique

Le décret d’urgence a été contesté par des promoteurs immobiliers en Cour suprême du Canada. Tommy Montpetit souligne l’importance de ce jugement : « La Cour fédérale est venue protéger une espèce en péril sur des terres privées. C’est tout à fait constitutionnel et ne peut être considéré comme une expropriation déguisée. »

Ce jugement crée un précédent juridique fondamental pour la protection des espèces en péril au Québec et au Canada. « La biodiversité est une valeur fondamentale dans la société, et l’application du droit de l’environnement doit évoluer en ce sens », conclut Tommy Montpetit.

Période de questions

Quelle est l’utilisation du fonds de compensation pour la restauration des milieux naturels ?

« Le fonds pour la restauration des milieux naturels est rendu à 172 millions, je crois, d’argent. On n’en a pas fait usage parce que les gens qui voulaient déposer des projets pour restaurer des milieux humides, premièrement, c’était extrêmement complexe », explique Tommy Montpetit.

Existe-t-il des populations de Rainette Faux-Grillon près du parc du Mont-Saint-Bruno ?

« Il y avait effectivement une population de Rainette Faux-Grillon à Saint-Bruno-de-Montarville mais malheureusement, un développeur a changé l’hydrologie et ça a été détruit», précise Tommy Montpetit.

Comment estimez-vous le nombre de Rainettes Faux-Grillon au Québec ?

Tommy Montpetit détaille la méthode utilisée : « Les inventaires se font au printemps, au mois d’avril. On estime les cotes d’écoute de 1 à 3. »

Quel est le potentiel de rétablissement de l’espèce ?

« La situation est vraiment critique, il faut que les gens se rendent compte que c’est au même niveau que le béluga ou le chevalier cuivré. », précise Tommy Montpetit. « On est rendu au même niveau que le panda ou que le tigre de Sibérie. On est rendu à faire de l’élevage en captivité pour la réintroduire éventuellement. » Cette comparaison illustre l’ampleur du danger qui menace l’espèce et l’urgence d’agir pour sa préservation.

Il explique que les populations isolées rendent la survie de l’espèce encore plus fragile : « Ces quatre populations sont complètement isolées les unes des autres, ce qui crée un problème de consanguinité et réduit les chances de survie à long terme. »

Comment s’impliquer pour la protection des milieux naturels ?

Lorsqu’on lui demande comment chacun peut contribuer à la protection des milieux naturels, Tommy Montpetit répond : « Je pense que dans chaque région il y a des organismes qui aident les autres. Nous, on fait partie de la région de la Montérégie. Il y a la Coalition Verte à Montréal. Je pense que le but, c’est de joindre des groupes et de faire des liens entre nous. »

Il souligne l’importance du travail collectif : « C’est vraiment de s’entraider entre nous. Pour quand il y a des précédents juridiques importants, qu’on puisse se les transmettre. »

En matière d’actions concrètes, il suggère plusieurs moyens d’implication : « Les gens peuvent nous aider. Ils peuvent devenir membres, participer aux inventaires et aux différentes tâches pour aider la Rainette Faux-Grillon. » Il ajoute que « quand on tombe au niveau législatif, moi, je ne peux pas aider. Je ne comprends rien aux lois. »

En revanche, il met l’accent sur les actions locales : « Il y a beaucoup de plantes exotiques envahissantes qu’il faut enlever. Il faut faire des travaux de restauration, planter des arbres, faire des représentations auprès des municipalités. »

Enfin, il insiste sur l’importance de s’unir : « On s’est unis une fois pour créer le projet du Parc de l’archipel avec la Coalition Verte. C’était un projet d’envergure qui avait mené au Plan métropolitain d’aménagement et au mouvement Ceinture Verte. On était vraiment tous unis comme groupes environnementaux. »

Il conclut en rappelant l’importance de la mobilisation citoyenne : « Il faut vraiment s’unir ensemble pour éviter que tout le travail qui a été fait pendant 30 ans soit recommencé. »

Conclusion

Tommy Montpetit insiste sur l’importance du partage d’information et de se mobiliser : « Quand on parle de santé, d’écoles ou d’itinérance, les gens s’unissent et arrivent à des résultats, mais on dirait que quand c’est pour la nature, on oublie que la nature, c’est nous. La nature, c’est elle qui filtre notre eau.»

Il souligne la nécessité d’un front commun : « On est dû pour un front commun en environnement, un vrai de vrai, où il n’y aura pas d’intérêt particulier à défendre. »

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